Créer sa propre monnaie
C'est environ 204756 pokoùs qui sont en circulation dans l'espace la Matrice de Saint Brieuc. Le pokoù, ou bisou en breton, est la monnaie de l’espace de coworking. Au départ, l'équipe de la Matrice avait pour idée de créer une plateforme internet où les coworkers créditeraient et débiteraient un compte pour accéder aux services de l'espace. Finalement, l'idée a évolué vers la création d'une monnaie propre à l'espace. « Quelqu'un m’avait parlé des monnaies complémentaires, comme nous sommes dans le champ des expérimentations, nous nous sommes lancés », déclare Ludovic Arnold, animateur de l'espace.
Outre l’achat d’heures de coworking, il existe différents moyens de gagner des pokoùs. « Nous offrons des pokoùs lors des anniversaires. De plus, lors de notre repas hebdomadaire, celui qui se démène en cuisine recevra aussi des pokoùs. On pense à créer beaucoup d’autres opportunités ludiques ». D'autre part, un check-in avec Foursquare, vous fera gagner 400 pokoùs, et pour 50 euros crédités, la Matrice vous offrira automatiquement 800 pokoùs, soit une journée de coworking.
Mais l'une des particularités de cette monnaie est qu’elle n'a pas été pensée pour être reconvertie en euros. Et c’est tant mieux. Non seulement, cette monnaie reste dans la Matrice, mais elle n’est plus comparée à une valeur monétaire.Il devient alors plus facile et plus convivial d'échanger ces pokoùs que des d’euros. Les coworkers s’en donnent ainsi régulièrement en échange de services ou tout simplement pour se dépanner entre eux.
De même, si l’espace de coworking créer et distribue cette monnaie, les membres peuvent aussi en donner à la matrice, créant ainsi une caisse de pokoù ! « Il est plus facile pour nous de créer des pokoùs que de les transformer. Je pense qu'on les remettra dans le système, ou quand nous ferons des soldes ! », explique Ludovic Arnold.
L'association gérant l'espace de coworking inclut environ 50 adhérents et tous n’utilisent pas encore les pokoùs, car ils ne coworkent pas tous régulièrement. Cependant, Ludovic Arnold verrait bien les pokoùs en dehors des murs de l'espace : « Nous avons l'ambition d'externaliser cette monnaie avec des partenaires locaux, pourquoi pas avec une coopérative d'emploi. Nous projetons même de créer une application mobile utilisant une interface NFC ». Mais s’il est possible d’aller au-delà de la communauté, pourquoi ne pas aussi aller au-delà des frontières ?
Bitcoins, l'experimentation à grande échelle
Alors que certains espaces de coworking tels que Coworkingspace Toronto ou The Yard à New York acceptent déjà les bitcoins, LAUNCH/CO fut le premier en Europe à avoir accepté cette monnaie.
Jan Schulz-Hofen, le gérant de l'espace raconte comme ils en sont venus aux bitcoins: « Nous avons commencé à expérimenter bitcoins, lorsque le phénomène a explosé au début de l'année 2013. Nous avons vu autour de nous des entreprises locales, dont même un bar, qui les utilisaient déjà. »
Jusqu'alors, beaucoup des membres de l'espace utilisaient fréquemment Paypal, et quasiment tous les coworkers avaient ouvert un compte. Mais l'un des seuls problèmes avec ce système était la réaction de Paypal lors de voyages dans certains pays du monde. Selon les régions, Paypal bloque tout simplement votre compte en pensant qu'il a été hacké. Pour LAUNCH/CO, bitcoin apparaît comme alternative et une monnaie décentralisée parfaite, car sans contrôle, sachant que même les développeurs ne peuvent contrôler qui a des bitcoins ou non.
LAUNCH/CO utilise les bitcoins uniquement pour le règlement des adhésions. L’espace offre aussi la possibilité de convertir les bitcoins en euros et seuls quelques coworkers ont déjà testé ce système. « Le système a l'avantage d'être simple et sécurisé même si les taux de change sont très volatiles. C'est une sorte d'expérience pour l'espace mais aussi une manière de participer au développement de cette monnaie décentralisée. Plus le système devient populaire, plus des professionnels s'intéresseront au code ! », déclare le gérant de l'espace.
Le bitcoin demeure une monnaie alternative, qui même si elle est décentralisée, n'a pas l’approche communautaire qu’ont certaines monnaies complémentaires. Et l'intraçabilité qui fait sa renommée, contraste avec l’idée d’une monnaie comme source d'information et de reconnaissance. Jan Schulz-Hofen, gérant de l'espace pense personnellement qu'on ne peut réellement créer une monnaie qui se limiterait uniquement à un espace de coworking. « Nous devrons toujours payer notre loyer, et faire partie de l'économie. En ce sens les bitcoins peuvent être utiles car ils ne se limitent pas à des microsystèmes ».
En attendant, les monnaies alternatives font leur bout de chemin, même en dehors des espaces de coworking. Mais les espaces pourraient propulser leurs utilisations et participer à désacraliser le fonctionnement et le pouvoir de la monnaie traditionnelle pour créer une autre économie. Sebastiano Scròfina, fondateur de Dropis a d’ailleurs justement déclaré: « La prochaine génération aura sans doute du mal à comprendre ce que l’économie signifiait pour nous. »
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Pour aller plus loin ou briller en société, voici quelques liens utiles.
Projet européen pour la promotion des monnaies complémentaires [FR]
Comment créer une monnaie pour votre communauté ? [EN]
Vidéos du workshop lors de la conférence européenne du coworking:
Devons-nous utiliser des monnaies sociales dans les espaces de coworking? [EN]
Conférence internationale sur les monnaies complémentaires [EN]